« La folie n'est qu'une affaire de perspective » [PV Aelys]

« La folie n'est qu'une affaire de perspective »

Je m'étais levé tôt ce matin-là, comme à mon habitude. Les couloirs étaient presque déserts aussi je ne croisais personne que je connaissais réellement. Les armures, muettes comme toujours aquiescèrent à mon passage sans pouvoir prononcer un mot. Des bruits de pas au loin, je remontais ma capuche sur mon front comme un espèce de tic que j'avais acquis au fil des années. Mes doigts complètement engourdis par la fatigue reposaient dans mes poches. Je les frottais les uns contre les autres pour que ma main revienne enfin à sa place. J'avais descendu les étages lentement, comme pour retarder ma rencontre avec les habitants du chateau.

La grande Salle était pleine de monde, élèves, professeurs, aurores... Aurores ?! Ils étaient assis près de la table des professeurs et certains même s'étaient joins à eux pour le petit déjeuner. Je ne m'étais pas encore tout à fait habitué à leur présence aussi il m'arrivait parfois d'être étonné en en croisant un. Ils étaient tous gentils et savaient nous protéger efficacement.

Je m'approchais de leur table où je pris place à côté d'une jeune femme que je n'avais encore jamais vu. J'essayais de lui sourire du mieux que possible et m'asseyais près d'elle sans pour autant empiéter sur sa bulle personelle. Je poussais du doigt ma capuche restée sur ma tête et dévoilais ma tête des mauvais jours. Je crois que les professeurs et les élèves étaient plutôt habitués à mon visage, mais je n'étais pas sur que c'était le cas des aurores.

-Orange, banane, clémentine, mangue monsieur ?

Je me retournais et vis un petit être à mes pieds me demander les fruits dont j'avais envie. J'ignaurais si c'était un pur produit de mon imagination ou si cette créature existait réellement. J'avais cessé de me poser la question. Aussi je ne me préocuppais plus si les autres me prenait pour un fou ou non, je répondais à voix haute, et tant pis si tout ça ne se passait que dans ma tête.

-Hum non merci, pas d'orange ni de banane, clémentine et autre fruits au jus acide, et encore moins de mangue. Je prendrais bien du jus de pamplemousse par contre.

Je tendis mon verre vers la petite créature et remontais mon verre plein. Peut-être qu'en fin de compte tout ça n'était pas inventé... J'haussais les épaules.

-Et vous mademoiselle, désirez-vous quelque chose ? Un fruit ? Lesquels préférez-vous ? Peut-être que notre petit ami sera ravi de vouss les apporter, demandais-je à la jeune aurore assise près de moi.

J'avais essayé d'être sociable pour une fois, je n'aimais pas forcément être dérangé pendant que je mangeais, mais j'avais besoin de conversation et de contact humain ce matin. C'était tombé sur elle, je n'y pouvais rien...

« Et vous, mademoiselle, désirez-vous quelque chose ? »

« Un fruit ? »

« Et bien, puis que c’est si gentiment proposé … Une banane ne serait pas de refus, je dois bien l’avouer. Merci beaucoup.»

« Vous êtes le Professeur Dream, c’est bien ça ? »

« De …. »

« D’Arithmancie, n’est-ce pas ? »

-Oui, je suis étonné que vous vous souveniez de moi, la plupart des anciens élèves m'oublie assez vite, vu l'intérêt qu'ils ont pour l'arithmancie...

Je croquais dans le pamplemousse et avalais difficilement. J'avais demandé ce fruit à la créature, mais j'avais oublié que je détestais son goût. Regardant la chose à moitié entamée et j'haussais les épaules. Après tout il fallait bien que je me remplisse l'estomac à un moment de la journée...

Je reposais mon attention à la jeune fille. Elle paraissait connaître cet endroit, et puisqu'elle connaissait mon nom, elle avait donc été élève à l'école. Mais il m'était impossible de remettre un nom sur son visage. Il ne me semblait pas l'avoir déjà eu.

-Vous êtes sur de ne pas vouloir une clémentine ou... Cette "chose" à mes pieds m'insupporte avec tous ces fruits.

En effet, depuis que j'avais cessé de lui répondre, la petite créature me tirait sans cesse sur le pantalon ce qui m'agaçait au plus au point. Déjà que je n'avais pas faim, mais qu'il m'énumère tous ces fruits me donnait la nausée. Surtout que dès qu'il en mentionnait un, il apparaissait comme par enchantement à mes pieds... Je levais les yeux au ciel et me glissais sous la table. Je remontais les fruits énumérés sur la table, au milieu des assiettes et des verres.

Il y en avait au moins une douzaine... Cependant, certains m'étaient inconnus. Comme je n'avais pas écouté tous les noms... Je me retournais vers la jeune fille près de moi, l'air interloqué. Elle devait se demander d'où venait tou ces fruits. Je ne sais pas ce que j'avais fait pour me retrouver avec toutes ces choses bizarres... Mais bon.

-Quel est le nom de celui-ci ? lui demandais-je, Et celui-là ? Il est étrange.

En effet, je n'en avait jamais vu. Peut-être n'existait-il que dans le monde magique ?

-Vous étiez à l'école Poudlard avant ?

Comment les élèves pouvaient-ils l’oublier ? Il avait tout de même un style qu’on ne pouvait guère louper. Alors comment était-ce possible ? Sans doute avait-il raison. C’était la faute à l’Arithmancie … Avant qu’elle ne puisse lui répondre, le professeur s’était déjà remis à manger. Et à en croire la presque grimace qu’il faisait … le fruit n’était pas à son goût. Normal, pour un pamplemousse qui devait sans aucun doute être amer !

Terminant sa banane et attrapant timidement sur la table un bout de pain qu’elle se mit à grignoter, Aelys laissa son regard revenir sur les tables. Tous ces élèves … C’était amusant de se dire qu’à peine deux ans auparavant, elle s’asseyait encore sur la table aux couleurs des Serdaigle. Comme le temps passait vite. Elle pouvait sans peine se revoir, fraichement débarquée dans le monde de la magie, petite nouvelle s’émerveillant de la moindre chose que faisait les années supérieures, avalant les livres pour comprendre et tenter. 9 ans de ça. Par Merlin !

Son voisin reprit la parole et l’Irlandaise revint à lui. Une clémentine ? Ho, c’était une bonne idée ! Timidement, elle acquiesça de nouveau. Et soudainement, il disparût sous la table. Etonnée, elle fût tentée de regarder elle aussi, mais renonça en le voyant revenir. Que se passait-il ? Pourquoi ramenait-il plus de dix fruits du dessus de la table ? Incrédule, elle le laissa faire, comptant rapidement.
Plus de douze, en fait.

La blondinette se pencha légèrement sur les fruits, en poussant un du doigt avant de montrer le deuxième dont il avait parlé.

« Le premier, aucune idée. Ça, ça ressemble à de la goyave …. Non ? »

Elle planta son regard dans celui de son voisin, cherchant la réponse. Peut-être ne l’avait-il pas. En tout cas … Il y avait plus important.

« C’est quoi comme créature, ça ? Un elfe de maison ? »

Elle n’en avait jamais vu. Mais le fait qu’il y ait ici, dans la Grande Salle, une créature inconnue – pour l’instant, puisque le Professeur savait peut-être ce qu’il en était ! – se révélait relativement grave. Après tout, ses coéquipiers et elle n’étaient-ils pas là pour surveiller ?!

« En tout cas, je vais prendre une clémentine, comme vous proposiez. »

Ça la réveillerait, ce serait par-fait.

« Oui »

fit-elle, gaiement.

« Une Serdaigle. »

Après quelques secondes de réflexion, elle reprit la parole en l’observant toujours.

« De toute façon, tout le monde passe par Poudlard, non ? Enfin, à part ceux qui vont à Durmstrang et Beaubatôns. »

Tout en épluchant le fruit, Aelys reprit la parole.

« Si ce n’est pas indiscret … Etiez-vous de Poudlard aussi ? De quelle maison ? »

Bien sur, Poudlard était l'une des écoles de Magie les plus réputé, si ce n'était pas la première. Il était vrai que la plupart des sorciers s'y rendaient, mais j'aurais aimé voir comment se passait la scolarité dans les deux autres écoles reconnues que la demoiselle avait cité.

-J'étais à Serdaigle dans le temps, même si les autres maisons ne m'auraient pas déplues à vrai dire.

Je n'avais jamais réellement 'compris' cette éternelle querelle entre les deux maisons Gryffondor et Serpentard, même si je voyais bien que beaucoup de choses divergeaient. D'abord Serpentard avait la mauvaise réputation de ne faire sortir que des sorciers qui avaient 'mal tournés'. Bien évidemment, le plus grand mage noir de tout les temps avait renforcé cette idée. Tout les mangemorts y passaient entendait-on. Mais je continuais à vouloir croire qu'il existait des exceptions.

Je souris tout seul en repensant à ça. Mon cousin qui portait le même nom que moi était tellement optimiste et borné que ça aurait été plutôt lui à croire au miracle Serpentard plutôt que moi. Je ne voyait pas la vie toute en noire, mais la perspective du changement du comportement de l'homme me paraissait presque impossible.

-Et désormais je suis professeur d'arithmancie, comme quoi on ne se sépare jamais vraiment de cette école, repris-je en faisant un signe de la main pour montrer la grande Salle. J'ai fait beaucoup de chemin depuis mes années collèges, et même vous mademoiselle ? Vous êtes devenue Auror et pourtant... Vous revoilà.

Comme avant. On ne se séparait jamais vraiment de cet endroit. Comme s'il existait un lien entre elle et tout ceux qui la fréquentait. Et même le plus grand mage noir de tous les temps ne dérogeait pas à cette règle.

«J'étais à Serdaigle dans le temps, même si les autres maisons ne m'auraient pas déplues à vrai dire. »

Dans le temps. De le dire ainsi, le professeur Dream semblait être infiniment âgé. D’ailleurs, quel âge pouvait-il avoir ? C’était là une bonne question à laquelle elle n’avait strictement aucune réponse. Et puis, était-ce vraiment important ? Non, sans doute. Il ne pouvait de toute façon pas avoir l’âge de Dumbledor. Chassant ces idées là de ses pensées, la blondinette reprit la parole.

« Même Serpentard ? De toutes façons, le Choixpeau semble savoir ce qu’il fait lorsqu’il envoie les élèves … n’est-ce pas son travail ? »

La dernière question était simple rhétorique.
Dans le cas d’Aelys, elle était heureuse d’avoir été envoyé à Serdaigle. Gryffondor demandait trop d’audace, chose qu’elle ne commençait à développer que maintenant et les élèves de Poufsouffle n’aimaient pas assez à travailler à son goût. Quant-aux Verts et Argents … Un sourire amusé naquit sur son visage. Allons, comme si elle avait pût se faire une place dans cette maison, là où s’épanouissaient une bonne partie de ceux qui regardaient la valeur du sang. Elle, la Sang de Bourbe – Aelys avait eût le droit à l’insulte une paire de fois – n’y aurait sûrement jamais survécu.

«Et désormais je suis professeur d'arithmancie, comme quoi on ne se sépare jamais vraiment de cette école. J'ai fait beaucoup de chemin depuis mes années collèges, et même vous mademoiselle ? Vous êtes devenue Auror et pourtant... Vous revoilà. »

« Pas encore officiellement auror »

ne put-elle s’empêcher de préciser.
Cependant … Elle eût un léger mouvement de tête pour acquiescer ce qu’il disait. Poudlard avait ce petit truc attirant, cette façon d’être un aimant et de rappeler tout le monde en son sein. Quel adulte pouvait affirmer qu’il ne rêvait pas de revenir ici, de retrouver les couloirs familiers et les classes lumineuses ? De revivre ces sept ans de découvertes et de pures folies ?

« Etes-vous professeurs depuis longtemps ? »

La curiosité de la jeune femme reprenait le dessus.

« Pourquoi l’Arithmancie ? J’avoue n’en avoir jamais compris le principe …. »

Ce pourrait choquer le professeur à ses côtés, mais c’était la vérité alors … pourquoi le cacher ? L’arithmancie restait un grand mystère à ses yeux.

Après une seconde de silence, la blondinette reprit.

« Le château change-t-il ? Enfin, je veux dire … je ne l’ai quitté que deux ans, les tableaux que j’ai connu sont toujours là, les armures aussi, Peeves n’a pas été chassé. Mais pour vous ? Entre vos années collèges et maintenant ? »

Alors comme ça elle n'était pas encore auror... Mais elle allait le devenir ce qui pour moi, était strictement pareil. Après tout, ils étaient tous là pour nous protéger, et presque auror ne changeait pas grand chose. Je crois que lorsqu'une attaque survient, on ne rechigne pas sur ce genre de détail.

Quant au Choixpeau... C'était un objet ou plutôt une personne, que j'avais du mal à déchiffrer il fallait l'avouer. C'était une sorte d'esprit complexe, capable de voir la véritable personnalité des gens. Lorsqu'il m'avait envoyé à Serdaigle lors de mon entrée à Poudlard, il n'avait pas hésité longtemps, comme s'il avait su dès le départ quelle voie j'allais choisir - autrement dit l'enseignement.

Lors de mes visites à Dumbledore, j'avais pu parler avec lui, peu de temps bien entendu. C'est un très vieil objet qu'il ne faut pas trop déranger. Et en plus il a l'air un peu ronchon.

-Le Choixpeau ? Il ne se trompe jamais à vrai dire. Mais je ne pense pas qu'il y ai de véritable maison 'faite' pour chacun de nous. Comme nous pouvions appartenir à chaque maison de Poudlard, mais qu'il fallait pourtant faire un choix. Vous me comprenez ?

En réalité c'était assez compliqué. Je pensais vraiment que nous étions tous pareils. Sang-pur ou pas d'ailleurs, je n'avais jamais vraiment fait attention à ce détail-là. Les Serpentards ne m'intimidaient pas plus que les autres et pourtant la triste réputation de cette maison m'exaspérait un peu plus chaque jour. Comme s'il fallait être 'fier' d'être Serpentard. Il n'y a aucune fierté de s'habiller en vert plutôt qu'en rouge, bleu ou jaune. Ce ne sont que des habits. Après bien sur il y a tout un héritage derrière. Mais ça, c'est une autre histoire qu'aucun de nous n'a vécu, à part peut-être Dumbledore, vu son âge.

-Et vous, de quelle maison étiez-vous ? Je pourrais essayer de deviner mais je risquerais de me tromper. Ce que je peux affirmer c'est que Poudlard a fait de vous quelqu'un de bien à ce que je vois.

Je n'aimais pas souvent faire des compliments, mais les aurors étaient pour moi comme ceux qui protégeaient ma vie à n'importe quelle seconde. C'était pour moi primordial qu'ils se sentent intégrés, ce qui aidait. Il était plus facile de défendre des personnes pour qui on est lié d'amitié qu'à de parfaits inconnus.

-Moi ? Je suis professeur depuis maintenant..., je réfléchis quelques instants.

Depuis quand étais-je professeur en réalité ? J'avais maintenant 34 ans et j'avais presque oublié le premier jour où j'avais enseigné ici. Tant de choses s'étaient passées entre temps... Mais je n'avais jamais oublié le passé. Non ce n'est pas une chose à faire si on veut continuer à vivre au présent. Non n'oublions jamais le passé.

-Depuis bientôt dix ans. si ce n'ets pas plus. Cela fait déjà un bon bout de temps que j'erre dans les couloirs de l'école, finis-je avec un petit sourire.

En réalité, j'avais cessé de compter les fois où j'avais arpenté seul les longs couloirs de Poudlard à la recherche d'une chose dont j'ignorais l'existence.

-L'arithmancie ? Je tournais les yeux vers la jeune fille. A vrai dire je ne sais pas. Au départ mon cousin qui est aussi professeur ici m'avait forcé à prendre cette option que peu d'élèves prennent par plaisir ou par envie. Et mon ancien professeur m'avait appris à aimer cette matière. Je ne sais pas si c'est le cas pour moi maintenant, mais c'est ce qui m'a donné envie de continuer. Surtout que je ne me voyais pas quitter Poudlard en fait. C'est peut-être aussi ce qui m'a fait devenir professeur.

Pour ce qui était du reste, je l'ignorais totalement. Si l'arithmancie m'interessait, si j'aimais faire mon travail. Je le faisais un point c'est tout. Ce que j'aimais c'était être ici, parmi les élèves, les voir grandir, les éduquer un peu aussi. Je n'ai pas eu d'enfants, et je n'en aurais maintenant jamais, et j'aimais me dire qu'ils étaient tous un peu à moi en vérité.

-Le chateau ne change pas vraiment... C'est nous qui changeons lorsque nous sommes à l'intérieur. Voyez : Demandez à cet homme là-bas la différence entre le Edouard d'avant, dis-je en prenant mon verre, et celui de maintenant. Nous avons l'impression que tout reste inchangé, car le chateau lui ne change pas.

J'observais la grande Salle. C'était vrai qu'elle n'avait pas changé. Depuis tout ce temps, rien n'avait réellement changé.

-Ce ne sont que nous qui changeons. Nous façonnons notre avenir nous-mêmes, le chateau nous donne l'impression d'être celui qui nous donne le pouvoir d'exister, mais nous scellons nous-même notre destin. Les choses elles, ne changent pas. Et c'est peut-être ce qui donne l'impression de changer tout en restant la même chose.

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