L'étrange et l'étranger [Fe Alex']

Le temps était au beau fixe, ce jour-là. Pas un seul nuage ne venait troubler le ciel bleu, ce qui énervait Kiara au plus haut point. Elle ne se sentait pas bien les jours de grand soleil, n'étant dans son élément que lorsque la pluie tombait et le tonnerre grondait. Mais elle n'avait aucun contrôle sur la météo et devait faire avec, bien que souvent on est dit d'elle qu'elle pouvait faire venir l'orage quand elle le voulait alors que si c'était vraiment le cas, jamais un rayon lumineux n'arriverait à atteindre Pré-au-Lard ! De manière à ne pas non plus mourir de chaud, elle avait opté pour une robe à bretelle de couleur noire, en tissu léger, qui lui permettait de se déplacer facilement tout en ne se retrouvant pas étouffer, que ce soit par une couche de vêtements improbable ou par la chaleur.

Plusieurs commerçants se retournaient, en la voyant passer dans l'allée, son sac rempli de porte-clés par-dessus son épaule. Il faut dire que peu de gens l'appréciaient, à croire qu'elle faisait peur. Pourtant, rien dans sa démarche n'avait l'air si effrayant. Elle dansait plutôt que marchait dans la rue, se frayant un passage à travers la foule, et son visage bien que dénué de tout sourire n'avait ni l'air méprisant, ni l'air provocateur. Au contraire, elle paraissait même un peu trop innocente, ne se souciant pas de ce qui l'entourait, et sans but précis si on se fiait à sa lenteur et à ses regards ici et là un peu perdus. Parfois, elle s'arrêtait en plein milieu d'un mouvement, se retournait vers un passant et lui proposait, du ton le plus mystérieux possible, un de ses portes-clés magiques qui, en plus d'être affreusement lumineux, pouvaient servir de réveils et de lampes de poche de poche. Une lampe de poche de poche, oui, comme une lampe de poche de petite taille, en fait.

« Eh. M'sieur. Ah non, désolée, M'dame. Vous voulez pas m'acheter un porte-clés ? Celui-en forme d'orange il s'accorderait à merveille avec votre écharpe ! Et il est multi-fonction, c'est magique, non ? Oh, c'est pas votre sac, c'est votre hermine de compagnie ? Je vois... Non, vous ne voulez rien m'acheter ? Et je ne dois pas insister si je ne veux pas finir avec un bras en moins ? Comment ça je répète tout ce que vous dites ? Oui oui c'est bon, rangez votre baguette, je m'en vais ! Les vieux de nos jours... »

On l'aura remarquer, son idée d'être vendeuse ambulante ne faisait pas succès, surtout quand on voyait le genre d'articles qu'elle vendait. Pourtant, il y a seize ans, quand elle était entrée à Poudlard, avoir un de ces machins idiots accroché à son sac, c'était classe. Pourquoi les modes devaient changer aussi rapidement, c'était stupide ! On était très bien, à son époque à elle.

Fatiguée et énervée pour on-ne-sait-quelle-raison, elle s'adossa à la façade du bureau de poste en poussant un long soupir. La vie était dure, de nos jours. Même si être étudiante à Poudlard n'avait pas été facile non plus, elle était jalouse de tout ces élèves qui passaient devant elle sans la regarder. Bande d'imbéciles, ils ne savaient pas ce qu'ils manquaient ! Elle avait beau avoir plus d'un quart de siècle, elle était encore très bien pour son âge !

« Les adolescents sont trop stupides et immatures de toute manière... puis leurs têtes, mon dieu ! Je mérite bien mieux. Oh, un escargot ! Qu'est-ce qu'il fait là... il pleut pas pourtant... ATTENTION vous allez l'écraser !! »

Poussant sans ménagement un vieux monsieur qui s'apprêtait à aplatir son horrible chaussure sur la pauvre bête, elle prit cette dernière dans sa main et alla la déposer sur le côté de l'allée, bien protégée dans un petit trou qui avait été fait dans le mur. Satisfaite de sa bonne action de la journée, elle afficha un grand sourire qui disparut bien vite dès qu'elle eut de nouveau poser son regard sur ses précieux portes-clés, laissés à terre. Qu'est-ce que cet élève était en train de trafiquer dans son sac ? C'était quand même pas un voleur à son âge ? Quoi qu'il était peut-être plus âgé qu'elle le pensait, les apparences sont trompeuses de nos jours.

« EH TOI ! Le mioche avec les cheveux en pétard ! Pas touche à ça ! C'est pas gratuit ! Et n'essaie pas de fuir, je suis sûre que je cours plus vite de toute manière ! »

Finalement, elle était peut-être vraiment bizarre... et les gens ont sans doute raison de se méfier.

Elle retint un sourire en le voyant sursauter à son approche plus que soudaine. Ce n'était pas qu'effrayer les gens la rendait heureuse, non ! Mais... en fait, si, peut-être. Personne ne pouvait dire précisément si elle était d'une nature réellement sadique ou si c'était involontaire de sa part de paraître satisfaite quand ceux qui l'entouraient étaient blessés ou juste apeurés. Peut-être qu'un jour quelqu'un pourrait expliquer son comportement d'une manière plausible et sans finir par s'y perdre... Faut pas trop rêver non plus, pour le moment, c'était mystère et dragées surprises !

« Je ne vais pas fuir ! Du moins ... pas avant de vous avoir acheter quelques portes-clés. »

Il la faisait marcher ou quoi ? Comme si un adolescent de son âge s'intéressait à ça ! Il avait pas mieux à faire que de la déranger dans son travail en lui faisant perdre son temps ? S'il voulait la faire rire en lui faisant croire qu'il comptait dépenser son argent dans ces machins, il avait réussit ! Elle était sans doute l'une des seules à apprécier autant ces produits qu'elle vendait. L'avantage de ne pas avoir de succès, c'est qu'elle pouvait les garder pour elle. Le soir elle aimait bien les compter, et les trier par ordre de préférence. Celui qui arrivait toujours en tête de liste, c'était le jaune en forme d'éponge, qui clignotait dans le noir, et qui avait l'avantage de résister aux coups et sortilèges. On ne sait jamais, si son propriétaire venait à vouloir se défouler sur quelque chose ! Mais que personne n'espère un jour le lui acheter : il était à elle, à personne d'autre, et le premier qui le voudrait finirait teint en rose, en l'air et la tête en bas !

« Tss... fait un peu plus attention au moins alors ! Ça en a pas l'air mais c'est fragile ! »

Elle se baissa à une vitesse ahurissante afin de récupérer son sac qui pendait à présent à son épaule. Ses yeux bleus se mirent ensuite à dévisager l'élève qui lui faisait face, toujours avec ce sourire béat.

« T'es obligé d'être si content de dépenser ton argent pour un truc du genre ? Me fait pas croire que toi aussi t'es passionné par les portes-clés, t'as pas une tête à ça... »

Ce genre de chose se voyait au premier coup d'œil, oui ! C'était dans les gènes dès la naissance. Kiara était juste une exception ! Ce n'était qu'un mois plus tôt qu'elle avait découvert à quel point ces petits objets étaient indispensables au quotidien, à tel point qu'à présent cela la hantait et la rendait dingue, littéralement - comme quoi, encore plus qu'elle ne l'était déjà, c'était encore possible.

Elle se demandait bien pourtant pour quelles étranges raisons il s'était intéressé à son sac. Il n'y avait rien d'intéressant à trouver dedans, sauf si ce qu'il lui avait dit était vrai. Mais avoir un client, c'était si anormal qu'elle avait du mal à le croire...

« Si tu cherches un cadeau pour ta copine, t'as sonné à la mauvaise porte. Sauf si c'est la reine Élisabeth II, parce qu'apparemment elle trouverait ces bibelots à son goût... Mais j'imagine qu'elle est un peu vieille pour toi. Dommage, elle est vachement riche... Mais ne te marie jamais par intérêt ! Ce n'est pas l'exemple que je dois te donner ! »

Pourquoi elle se mettait à parler de ça maintenant ? Est-ce que ça avait un quelconque rapport avec la discussion de base ? Non, aucun, et ça la faisait rire en plus. Oui, elle souriait comme une autruche et elle trouvait ça tout à fait normale.