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Maison Stanford, San Diego, 2009.

June poussa la porte du manoir dont avait hérité son père à la mort de sa grand-mère. La jeune femme, âgée d’une vingtaine d’années, n’avait jamais aimé cet endroit ; il lui paraissait bien trop grand pour sa petite famille. Mais elle y avait grandi, ce n’en était pas moins son chez-elle. Elle jeta un dernier regard à la villa qui se dressait à côté de la sienne. La maison de celui qui venait de lui briser le cœur, la maison de celui qu’elle aimait malgré tout, la maison d’Alexander Deschanel. Les larmes lui montèrent à nouveau aux yeux, elle les ravala. Elle ne voulait pas que son père ou son frère la questionne. Elle entra finalement, et, esquivant le salon d’où provenaient les bruits de la télévision, elle se dirigea vers les escaliers. « June ? C’est toi chérie ? » Et merde. Elle tenta de se recomposer un visage serein et de contrôler les tremblements de sa voix. Ils ne devaient en aucun cas voir qu’elle venait de pleurer misérablement toutes les larmes de son corps. Elle entra dans la grande pièce à vivre. Son père et son frère étaient enfoncés dans le canapé, yeux rivés à l’écran, devant un match de basket. Tant mieux. Ce qu’elle n’avait pas prévu, c’est que sa meilleure amie, April, l’attendrait avec eux. Celle-ci n’eut besoin que d’un regard pour comprendre que quelque chose clochait. Une grimace contracta les traits de son visage, et d’un bond, elle fut près d’elle.

« Bon, ben abrutissez-vous bien devant ce match passionnant, les enfants, nous on monte. Allez, viens, Juny. » lança April, lui épargnant ainsi de devoir ouvrir la bouche. Mike Stanford regarda sa fille et sa meilleure amie, qui faisait quasiment partie de la famille, s’éloigner, mais elles étaient de dos, il ne put donc pas apercevoir les larmes silencieuses qui avaient recommencé à couler le long des joues de June.
Une fois arrivées dans sa chambre, April la prit dans ses bras, et, sans ouvrir la bouche, elle la berça doucement, le temps que ses larmes se tarissent.

Maternité, Hôpital de San Diego, 2010.

Le docteur Thomas entra dans la salle d’examen, et, avec un sourire désolé, il posa une main rassurante sur l’épaule de la jeune femme installée sur le brancard.
« Je suis navré, mademoiselle Zidler… Vous êtes bel et bien enceinte. »
Alicia écarquilla ses grands yeux clairs. Comment pouvait-elle s’occuper d’un enfant ? Elle n’avait même pas terminé ses études ! Et quant bien même Scarlett avait accepté de l’engager au Scar’s, elle ne pourrait jamais payer tous les frais médicaux.
« Ca va aller ? » demanda Peter Thomas, l’air préoccupé. « Vous êtes toute blanche. »
Ramenée à la réalité, Alicia se souvint qu’elle devait respirer. Passant ses mains tremblantes sur son visage, elle inspira profondément. « Je… Je ne pourrai jamais élever un enfant. Je… Je suis trop jeune ! » fit-elle, sa voix se brisant sur la fin.
« Le père, mademoiselle Zidler, est-il au courant ? » reprit le docteur, avec toujours autant de patience.
Un rictus dégouté s’afficha sur le visage de la jeune femme. Le père ? Le père n’était qu’un con, un gros con, dont elle avait été amoureuse, et qui l’avait trahie, trompée, humiliée. Et comme si cela n’avait pas suffit, on lui apprenait qu’il l’avait mise enceinte.
Son regard se durcit, et sa voix ne tremblait plus lorsqu’elle lança, avec froideur : « Je ne veux pas garder cet enfant. Je ne peux pas. C’est impossible. »

Scar’s coffee-bar, San Diego, 2010.

Jack fit tourner son verre de whisky dans sa main. Le regard plongé dans les tréfonds de la boisson alcoolisé, il était perdu dans ses pensées, inconscient et indifférent de l’agitation qui régnait à l’intérieur du café le plus fréquenté de la ville. La gérante, Scarlett, lui apporta une part de tarte, et, déposant sa main sur la sienne, elle la serra légèrement. « C’est offert par la maison » dit-elle, en lui faisant un clin d’œil. Son oncle ne lui avait pas menti, Scarlett McJyll était bel et bien une femme en or. Généreuse et accueillante comme pas deux. Après tout, qui d’autre aurait offert une part de gâteau au petit nouveau en ville, à deux doigt de sombrer dans l’alcool, hanté par les démons de son passé ? Pas grand monde. Il lui adressa un sourire reconnaissant, bien que sur lui, cela ressemblât plus à une grimace effrayante.

Il aurait sans doute passé une grande partie de la nuit ainsi, errant de bar en bar, si une petite main ne s’était pas posée sur son dos avec douceur. Il releva la tête. « Kaitleen » chochota-t-il.

Il oublia instantanément le verre d’alcool et toutes les idées noires qu’il ruminait, pour passer un bras autour de la taille de sa fiancée, et déposer un long baiser sur ses lèvres. Elle l’enlaça, et, la bouche au creux de son oreille, elle chuchota : « On avait dit qu’on oubliait, Jack. C’est terminé, maintenant. On doit aller de l’avant, mon cœur. » Il caressa amoureusement ses cheveux, et, les yeux fermé, répondit : « Je te le promets. Pour nous deux. »

Bureau de Mr le Maire, San Diego, 2010.

« Sara ? » appela la voix reconnaissable entre mille d’Evan Deschanel, depuis le bureau entre-ouvert. « Sara, venez voir un instant, s’il vous plait. »
Poussant un soupir, la secrétaire se leva. Ce n’était jamais une bonne chose, d’être appelé chez le « grand chef », comme il aimait se faire surnommer, ici, à la mairie. La jeune femme entra, avec un sourire un peu forcé. « Oui, monsieur ? »

Il l’attendait, assis dans son fauteuil, mains jointe, sourire un brin carnassier aux lèvres. Sara fut ébranlée par l’expression de son visage. « Sara… Ma jolie petite Sara… » reprit-il. « Lorsque je t’ai embauchée, te souviens-tu de ce que je t’ai dis, Sara ? » Elle fronça les sourcils. Elle n’avait jamais aimé la façon familière avec laquelle il s’adressait à elle. « Pas vraiment, monsieur, non. » finit-elle par répondre. Le sourire du maire s’agrandit. « Je t’ai dis qu’il te faudrait faire tes preuves, Sara. Ferme la porte, s’il te plait, et viens par-là. » Il se leva, visiblement en train de jubiler. Elle commençait à s’inquiéter. Il était assez effrayant. Elle s’exécuta néanmoins, Evan D. était connu pour son manque cruel de patience. Alors qu’elle s’approchait, il s’avança également, il la prit par la taille, et la poussa délicatement mais fermement, jusqu’au grand canapé de cuir qui s’étalait sur tout un mur du grand bureau. Ils s’installèrent, et, alors qu’elle s’attendait à des remontrances, Evan posa une main sur sa cuisse. Sara eut un mouvement de recul instinctif. Il sourit de plus belle. « N’aies pas peur, je veux juste voir... » Il caressa sa joue du bout du doigt, et descendit lentement jusqu’au décolleté que formait son chemisier. « … Ce dont tu es capable. » termina-t-il, son regard froid la déshabillant de façon indécente. Avait-elle le choix ? Elle ne travaillait pour lui que depuis deux mois, pouvait-elle vraiment se permettre de le repousser, si elle voulait garder son emploi ? Elle en doutait. Evan Deschanel n'est pas homme à qui l'on résiste.

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