[Eric] If we could go back ...

Assise à une table du Chaudron Baveur, Alice remuait sa paille dans son verre, pensive. A moins d'un mois de la rentrée des classes, la jeune fille avait éprouvé le besoin de revenir dans le monde des sorciers. Son monde, le seul. Qui aurait entendu ses pensées l'aurait sûrrement jugé ingrate. Elle était née moldue, après tout. Et elle l'était restée pendant 11 longues années. Et maintenant, elle oubliait tout, comme ça, simplement parce qu'elle avait découvert qu'elle était differente ? N'était-elle pas un peu égoïste ? Mais ces personnes, si elles avaient existé, auraient eu tort. Alice n'oubliait pas. Elle n'oubliait jamais. La solitude, les coups, la tristesse, l'isolement, la froideur. C'était tout ce que représentait le monde moldu à ses yeux. De mauvais souvenirs, et la mémoire de parents qu'elle n'avait jamais connu. Pas de quoi y rester fidèle.

Lorsqu'elle était arrivé à Poudalrd, la jeune fille avait tout découvert. La magie, certes, mais aussi la joie, le rire, l'amitié, l'amour. L'amour ... A la pensée de ce dernier mot, le coeur d'Alice se serra. Elle aurait voulu ne jamais découvrir l'amour. Elle aurait voulu que ce mot reste un mystère, quelque chose qu'on emploie pour faire rêver. Mais elle n'avait pas eu de chance. Elle n'avait jamais de chance dans ses moments là. Ally n'aimait pas vraiment le hasard. Sa vie était bien, tant qu'elle la prenait en mains. Dès qu'il fallait s'en remettre au destin, à la chance, tout devenait plus vague, et tout se brouillait. La jeune gryffondor voulait garder le contrôle, ne rien laisser filer. Une chose bien plus difficile à dire qu'à faire.

Elle but une gorgée de son sirop de cerise, et s'efforça de penser à autre chose. Pourquoi ressacer les mauvais souvenirs, quand il y a tant de belles choses dans la vie. La jeune fille esquissa un sourire pour elle même. Voilà qu'elle se mettait à parler comme dans les livres. Des messages de joie positifs, mais vides, creux. N'importe quoi. Certes, elle était du genre positif, mais de là à se donner des encouragements dans ce genre ... D'ailleurs elle méprisait ses phrases, à la noix, jugeait-elle. Bon pour les petits enfants en quête de rêve de bonheur. Alice, elle, n'avait jamais fait partie de cette catégorie là. Du moins, pas au sens propre du terme. Sans doute avait elle rêvé, mais déjà à l'époque, c'était de liberté.

La gryffy posa sa tête sur ses mains. Pourquoi était-elle aussi mélancolique. Cela ne lui ressemblait pas. Elle était le genre de fille énergique, un peu trop, même. Certes, elle était assez réservée. Certes, elle ne montrait pas ses émotions facilement. Mais elle aimait la vie, souriait souvent et bougeait beaucoup. Les coups de blues, chez elle, étaient rares. Les regrets encore plus. Elle avait appris à se contrôler, pour ne jamais flancher. Et cela très tôt, dès ses 4 ans. Et maintenant, elle retombait dans la mélancolie ? Ally fit une petite grimace. Elle connaissait la raison de tout cela. Ou tout du moins elle la devinait. Elle avait fait, l'année passée, une experience qu'elle n'aurait jamais du tenter. Mais c'était trop tard. Cela s'était assez mal fini, et maintenant elle avait le blues. La vie était vraiment méchante, parfois.

La jeune sorcière regarda rapidement autour d'elle. Mais pourquoi n'avaient-ils pas de fenêtre, dans ce pub ? Cet endroit sombre lui donnait encore plus le cafard. Il fallait qu'elle se reprène en mains, bon sang ! Sinon elle ne s'appelait plus Alice Weatherly ! Enfin, elle qui était si forte d'habitude, allait elle se laisser déstabiliser par un garçon ? Car oui, aussi étrange soit-il, c'était bien un garçon qui était à l'origine des problème de la jeune fille. Et le pire dans tout ça, c'est qu'elle l'aimait bien. Qu'elle l'aimait bien, qu'elle lui en voulait un peu aussi, et surtout qu'elle ne savait plus du tout où elle en était. D'où l'interêt de se changer les idées, de se ressaisir et d'oublier un peu tout ça, du moins en apparence. Ou plus simplement, de redevenir la jeune fille qu'elle était d'habitude.

Il fallait qu'elle sorte. Elle ne pouvait pas rester enfermée plus longtemps, elle allait étouffer. Secouant ses longs cheveux, elle se leva, bien décidée à aller faire un tour sur le Chemin de traverse. Une petite balade dans la plus grande des rues sorcières, quoi de mieux pour penser à autre chose ? Elle avait fait quelques pas vers la sortie, lorsqu'une voix derrière elle la fit s'arrêter, net. Elle connaissait cette voix. Elle la connaissait même trop bien. Elle ne savait même pas si on s'était addressé à elle, tout ce qu'elle pensait en ce moment, c'était que pour rien au monde elle n'aurait voulu entendre cette voix. Pas maintenant. Elle se retourna le plus lentement possible.

▬ « Eric ? »

Elle réalisa une seconde trop tard qu'elle aurait mieux fait de se taire, et de ne rien dire du tout. Elle était sûre que c'était lui, enfin, presque sûre, et maintenant elle allait devoir engager la conversation. Ce n'était pas qu'elle ne l'appréciait pas, au contraire. Mais à cet instant précis, et pour une des premières fois depuis assez longtemps, elle aurait souhaité de tout son coeur s'être trompée de personne.

Maintenant qu'elle avait commencé à parler, elle ne pouvait plus reculer. Ce n'était pas l'envie qui lui manquait, pourtant. Non pas qu'elle n'appréciait pas Eric, loin de là, il était même un de ses plus anciens amis, mais elle n'avait juste pas envie de le voir maintenant. Pas après ce qui c'était passé durant l'année. Elle voulait attendre, encore. Elle savait bien, pourtant, que ce moment devrait arriver. On ne s'évite pas indéfiniement. Mais elle aurait préféré le retarder au possible. C'était bien la première fois qu'elle agissait ainsi, elle, la gryffondor, celle qui d'habitude n'avait peur de rien, ou presque. Mais ce qui c'était passé avait été si nouveau, si bizarre pour elle ... Elle ne savait plus très bien comment il convenait de réagir. Peut-être que, dans un sens, cette rencontre était bénéfique. Peut-être que c'était son inconscient qui l'avait poussé à appeler Eric, juste histoire de mettre fin à cette attente et à ces doutes. Le destin était bizarre. Alice n'aimait pas trop le destin.

Elle le regarda et sourit. Elle n'en avait pas vraiment envie, mais il n'était pas obligé de le savoir. Pas la peine de le froisser. Et elle n'allait quand même pas se mettre à pleurer sur son épaule, ce serait le comble ! Cela faisait 11 ans qu'elle n'avait pas pleuré ! Et le faire pour un garçon aurait sûrrement été une des plus grande hontes de sa vie. Ils n'en vallaient pas la peine, du moins c'est ce qu'elle s'était toujours dit. S'il y avait bien une chose pour laquelle elle était douée, c'était mentir. Elle savait le faire parfaitement, et seules quelques personnes au monde, celles qui la connaissaient vraiment par coeur ou celles qui savaient "lire dans les esprits" (si, si, ça existait) auraient pu percer sa couverture. Mentir sur ce qu'elle ressentait, c'était une des choses qu'elle faisait le mieux. Elle souriait sans cesse en public, c'était devenu une habitude chez elle. Et puis, ça donne de la bonne humeur aux gens, ils se disent qu'il n'y a pas de problèmes. Car Alice détestait qu'on ai pitié d'elle. Elle préferait régler ses problèmes toute seule. Alors elle souriait, elle disait que ça allait. Et elle aidait les autres. Elle, elle voyait après.

Eric n'avait pas vraiment changé. Il était comme dans ses souvenirs. Mais en même temps, cela ne faisait qu'un mois qu'ils s'étaient quittés. Un mois qui lui avait semblé être une éternité. Encore une fois, si quelqu'un avait lu dans ses pensées, il aurait pu se méprendre. Croire qu'elle pensait ça uniquement parce qu'elle ... Beurk. Rien que l'idée la repoussait. Et pourtant, il y a quelques mois .. Mais enfin, c'était du passé, ça, non ? Une petite voix dans sa tête lui disait le contraire. Mais Alice ne devait pas l'écouter. Elle écoutait rarement les gens. A part deux ou trois exeptions, elle préferait toujours faire ce que lui disait son instinct. Le problème, dans sa situation, c'était que son instinct ne savait pas ce qu'il voulait. Pour en revenir à ce manque, eh bien c'était tout simplement parce que même un mois dans le monde des moldus lui semblait un exil. Dans sa petite chambre de l'orphelinat, ou même lorsqu'elle arpentait les rues de la capitale moldue, elle ne sentait pas chez elle. Il lui manquait quelque chose. Ses amis, certes, mais aussi le château, ses couloirs, ses fantômes, ses portraits ou tout simplement son ambiance. Pour elle, n'importe qui ou quoi appartenant au monde des sorcier lui avait manqué. Après, les détails ... Bref. Elle estimait avoir assez débatu avec elle-même sur ce sujet.

▬ « Salut ! »

Elle s'approcha de lui et l'embrassa sur les deux joues. Question d'habitude. Mais malgré tout, en effectuant ce geste si commun, elle se dit qu'il y avait quelques mois ... Oh, non. Il ne fallait vraiment pas qu'elle pense à ça. Certes, elle n'avait que ça en tête depuis qu'elle était arrivée ici, mais elle pouvait au moins faire semblant. Imiter son état "normal", faire comme si ce n'était qu'une rencontre ordinaire, comme s'il ne s'était rien passé. Et, étrangement, ce n'était pas si facile que d'habitude.

▬ « On peut dire que ça va pas trop mal. Et toi ? »

Elle se forçait à le regarder dans les yeux. Elle ne pouvait pas fuir éternellement. Mais d'un autre côté, elle lui faisait bien comprendre, même si ce n'était que très subtilement, qu'il y avait quelque chose. Elle avait volontairement ignoré sa dernière remarque.En gros, cela signifiait qu'ils fallaient qu'ils parlent. Il la connaissait depuis longtemps. Il comprendrait.