Du papier à la réalité [Fe Edouard Dream]

Ca avait commencé par une correspondance tenace entre deux hommes d'un âge presque identique. L'un était plus vieux de quelques années et n'était pas pour autant un vieux grincheux. Quant à l'autre, il était dans la fleur de l'âge, encore rempli de rêves à ce moment là. Ce n'est qu'après que tout avait basculé. La dernière lettre datait de Décembre 1991 et s'était terminée par des formules d'adieux, sobres mais somme toute efficaces. On sentait bien que cette lettre serait la dernière d'une correspondance vieille de quelques longs mois. A raison d'une ou deux lettres endéans ces trente jours, ils conversaient de sujets et d'autres, évitant soigneusement de parler de leur vie privée personnelle et utilisant toujours un vouvoiement solennel, preuve de leur respect mutuel. Depuis cette dernière lettre, le plus âgé était devenu professeur à Poudlard, l'autre avait fini par obtenir une place confortable au Ministère, s'était marié mais avait divorcé quelques temps plus tard. Mais là n'était pas la question.

Ce jour là, un samedi, le plus jeune des deux hommes avait réussi à retrouver la trace de l'autre. Daniel Edwards, moins heureux et enjoué qu'à l'époque, avait donc recontacté son correspondant. Sans en être sûr, il avait pensé que cette personne allait pouvoir l'éclairer sur certaines choses ; et au diable les considérations quant à la vie privée qui ne devait jamais être mentionnée. Cette fois-ci, Daniel avait besoin d'Edouard pour trouver une réponse précise à un dilemme. Devait-il tout quitter ? Revenir vers sa femme, comme si de rien n'était ? Ou bien continuer sa vie seul, attendant que la Mort vienne le cueillir ? En postant la lettre, il se doutait que son correspondant trouverait l'invitation culottée, c'était un peu le but de Daniel. Il voulait attirer l'attention d'Edouard pour qu'il daigne se déplacer jusqu'à un endroit neutre ; un pub Londonien en l'occurrence. L'employé du Ministère s'y était rendu quelques minutes avant l'heure prévue. Il espérait le voir déjà assis mais trouva une salle sans aucune trace d'un homme à l'allure de sorcier planqué. Lui, était habillé comme à son habitude : en noir, affublé d'une veste en cuir léger. Ses cheveux étaient ébouriffés et s'il ne s'agissait pas de maquillage, on aurait pu dire qu'il avait couvert ses yeux de suie.

Daniel commanda un verre de bière, une irlandaise pour l'occasion, et s'assit à une table un peu en retrait. Il posa son foulard/bandana rouge bien en évidence pour signaler qu'il était là. Une vieille habitude de rendez-vous secrets entre membres du Ministère. A l'exception près que les objets utilisés pour marquer la différence n'étaient pas de simples bouts de tissus sales et sans grande importance; Là, Daniel avait abusé de la simplicité. Il espéra néanmoins que Mr. Dream ait accepté l'invitation. Commença à vider son verre, il ferma les yeux, le temps de savourer le breuvage. Il les rouvrit enfin, posa son verre et fixa son regard sur la porte d'entrée, attendant l'arrivée du rendez-vous.

« Et un jour peut-être nos chemins se recroiseront... Je l'espère »

Edouard avait reçu un hibou un matin, alors qu'il n'espérait plus en recevoir depuis assez longtemps déjà. Il s'était donc dirigé d'un pas rapide vers la volière, endroit où le professeur n'allait jamais. Cependant, l'annonce d'une lettre à son nom avait suffit à rehausser son humeur de la journée, aussi bonne eu-t-elle pu être. Un hibou noir, associé au maquillage d'Edouard l'attendait, une lettre blanche dans le bec, son nom écrit en gros.

-Un rendez-vous ?

Il se retourna vivement. Personne. Le professeur haussa les épaules. Surement une hallucination... dignes d'Edouard depuis pas mal de temps maintenant. Il dut relire plusieurs fois les lignes noires inscrites pour pouvoir comprendre le sens de la requête. Il allait devoir sortir de Poudlard, ça ne pouvait que lui faire du bien, depuis le temps qu'il ne mettait plus les pieds dehors... En descendant les marches glissantes de la volière, Edouard se mit à penser à la jeune voix qui l'avait accosté dans sa propre tête. Il sourit et secoua la tête avant d'ajouter « Oui un rendez-vous, avec un vieil ami pourquoi ça te dérange ? ». La voix se passa de commentaires cette fois-ci.

Il avait enfilé un pull noir et un pantalon assorti, et pour marquer le décalé de sa personnalité, prit une veste blanche qu'il mit par-dessus. Il mit la capuche sur sa tête afin de masquer au mieux son étrange tête, puisque tel était son visage. Dans le monde des sorciers, ça choquait, mais on avait l'habitude des gens... bizarres. Chez les moldus l'intolérance est un de leur maître mot. Sans aucune envie de se démaquiller afin de redevenir "dans la norme", le professeur remonta le plus possible sa capuche sur son crâne et se rendit à son rendez-vous.

C'était une rue pas très empruntée, pas assez pour qu'il attire l'attention et trop pour se fondre dans la masse. Aussi poussa-t-il la porte sans vraiment de convictions, à vrai dire pendant son voyage il s'était même permit de penser que la lettre n'était qu'une farce de plus de son esprit... Il la sentait pourtant froissée sous ses doigts, mais son esprit, toujours ailleurs lui jouait des tours, comme d'habitude. Edouard releva les yeux de quelques centimètres. Un éclair rouge attira son attention, dans le coin de la pièce. A vrai dire il ne l'avait aperçu que du coin de l'oeil, mais il tourna la tête vivement. Il sourit en s'avançant vers la table en question.

-J'étais sur qu'un jour tu changerais le monde. On dirait que c'est pas pour aujourd'hui ?

Edouard avait choisi d'être plus qu'amical avec Daniel. Il était vrai qu'ils avaient toujours parlés par différentes lettres où l'on utilise des belles phrases et de belles formules de politesses. Les temps changent, et les gens aussi. Edouard n'avait pas forcément changé depuis 8 ans, et le peu de relations en-dehors de l'école qu'il possédait étaient souvent des relations d'affaires et non amicales. Aussi voulait-il engager la conversation d'un ton aimable, car le professeur n'avait pas du tout la tête à chercher de beaux mots pour le moment...

Le correspondant, le rendez-vous tant attendu, venait de passer la porte. Le visage dissimulé sous une capuche, étrangement. Daniel ne comprit que quelques secondes plus tard, lorsque l'homme s'approcha de la table après y avoir repérer le foulard rouge. Edouard aurait pu lui faire penser à un clown triste si jamais il n'avait pas le respect qu'il a pour cet homme, ce correspondant aux conseils, dissimulés évidemment, non négligeables. Dan se leva et lui présenta une main chaleureuse, amicale, comme s'ils étaient amis de longue date ; ce qui n'était pas si loin de la vérité... à l'exception près qu'il s'agissait là de leur première rencontre. D'ailleurs, il n'avait pas imaginé son correspondant de la sorte. Non. Il avait toujours eu en tête l'image d'un homme pour qui se fondre dans la masse n'était pas une chose ardue, mais dont tout l'attrait était concentré dans son regard. Un regard qui en dit long sur lui, sur sa vie, sur ce qu'il a pu traverser. Etait-ce parce qu'il ne pouvait voir attentivement ses yeux que Daniel ne décelait pas cette impression de se retrouver devant un être ténébreux, comme on le dit si bien ? Il l'ignorait. Il répondit à Edouard, étonné que ce dernier ait mis de côté les considérations et les formules polies. Une fois n'était pas coutume, Daniel était entièrement d'accord. Cela devenait rare ces temps-ci, quelqu'un plus ou moins sur la même longueur d'onde que lui.

« Changer le monde, moi ? Voyons, nous savons toi comme moi qu'il faudrait plus qu'un homme... Et encore, même si nous étions cent-mille à penser ainsi, j'aurais encore des doutes sur nos chances de réussite. » répondit-il sobrement avant d'enchaîner presque automatiquement:
« Et toi ? Pourquoi te cacher sous cette capuche ? Aurais-tu eu des ennuis depuis notre dernière discussion, des démêlés avec la justice ? Ce ne serait pas raisonnable pour une personne de ta trempe, Edouard. »

Il esquissa un sourire et invita son interlocuteur encapuchonné à s'assoir à la table. Ils étaient face-à-face, chose peu commune - voire contraire aux règles autrefois fixées -, pour ces hommes longtemps séparés par la distance. Une première rencontre fait toujours son petit effet, en particulier en cas de force majeure, comme à cet instant même. Fort heureusement, aucun des deux protagonistes de cette scène n'étaient en danger de mort. C'était plutôt Daniel qui demandait une aide moins factice à un vieux correspondant de longue date. A un ami, s'il osait dire ainsi. Il n'était pourtant pas venu dans l'espoir de se trouver devant un Edouard compatissant à deux cents pour-cents, prêt à déployer autant d'altruisme et de philanthropie que nécessaire en désirant lui apporter une aide des plus précieuses. Non, Daniel était juste venu ici avec l'intention de mettre un visage sur ce nom lu, lu et relu au fil du temps. Même aujourd'hui il s'amusait à relire certaines lettres, celles qui ne manquaient pas d'humour en particulier. Il ne laissa pas son regard se voiler plus longtemps et décida d'entrer dans le vif du sujet. Il commanda à boire pour son ami et attendit d'être servi avant d'entamer la vraie conversation.

« Tu dois te douter qu'il ne s'agit ni d'un rendez-vous galant, ni d'une rencontre improvisée pour évoquer et échanger de vieux souvenirs, des anecdotes. Pour ne rien te cacher, je crois avoir besoin de toi. » annonça Daniel, en essayant de ne pas laisser transparaître la moindre émotion pouvant le trahir.

Si son corps agissait à son encontre, où allait donc le monde ? Dans ce cas, valait-il mieux préférer l'inertie aux inepties ? Le mouvement effréné au lieu d'actions réfléchies et un scénario bien ficellé ? Daniel l'ignorait encore. D'où sa présence en cet endroit, devant une vieille connaissance, un presqu'ami de longue date.

Il avait serré la main à l'homme en face de lui et avait essayé d'esquisser un sourire tant bien que mal. Son correspondant d'autrefois avaient les cheveux coupés courts contrairement à lui, et des yeux cernés de noir. Même si son "maquillage" puisqu'Edouard pensait que c'en était n'était pas aussi osé que le sien, c'était une des premières personnes masculines qu'il croisait à en mettre.

-Tu as une vision tellement noire des hommes !, répondit le professeur.

Il avait dit ça par ironie, car lui-même ne croyait pas une seule seconde un homme ou mille capables de sauver le monde, même avec toute la volonté possible. D'ailleurs, le monde n'était pas prêt de changer, s'il pouvait l'être. Edouard était convaincu qu'une personne était comme elle était, et même si on voulait la changer, ne serait-ce qu'une seule habitude, cela prendrait des années, voire même cela se montrerait impossible. La nature de l'homme est trop complexe pour qu'elle soit comprise et trop bornée pour être changée.

Le professeur leva les yeux sur sa capuche encore remontée sur sa tête. A vrai dire ce n'était que parce que Daniel le soulignait qu'il s'en rendait compte, l'habitude faisait qu'il avait fini par ne plus la sentir. Il la fit glisser du bout de la main, révélant ainsi sa tête usée des mauvais jours et son visage trop maquillé.

-Tu crois avoir besoin de moi ?, demanda Edouard en haussant un sourcil, Ou tu es sur ?

Il était vrai qu'Edouard, malgré sa vie cahotique depuis près de huit ans, avait peut-être la réputation de donner de bons conseils, même si le professeur n'écoutait que peu souvent les dires des gens.

« J'ai jamais prétendu être ce que tout le monde dit »

HJ: Désolé pour le retard, j'ai du partir en vacances, puis je n'ai pas été très bien et donc impossible de répondre. J'espère que cela te plaira quand même ^^".
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Bonne question: était-ce une supposition ou une affirmation ? Daniel avait-il réellement besoin d'Edouard ou bien en avait-il juste l'impression ? Les deux issues à ce problème de compréhension étaient bien distinctes, différentes ou carrément opposées. Tout dépendant du point de vue. Car la personne hésitant entre le certitude et les croyances d'y verra qu'un inconvénient mineur. La personne à qui elle essayait de soutirer quelques conseils, en revanche, se devait de se demander si les intentions du demandeur étaient justes, si justement il ou elle avait besoin de conseils ou non. C'était évidemment certain que Daniel ait besoin de conseils, sinon il n'aurait pas osé débaucher un correspondant de longue date dans un pub aux allures parfois douteuses, dans la banlieue de Londres! Il n'était pas aussi irrespectueux à ce point, voyons.

Lordqu'Edouard montra son visage, il ne fut pas plus étonné de découvrir le visage qu'il eut en face de lui. Il n'était pas du genre à juger les gens sur leur apparence. Dans le même sens, leur relation avait commencé à l'inverse des autres : eux, s'étaient connus en profondeur avant de pouvoir se juger sur le physique. Tout était différent, vraiment différent. Si Daniel avait croisé la route d'Edouard "dans la vraie vie" avant d'échanger plusieurs lettres, jamais leur sorte d'amitié aurait pu naître et être ce qu'elle était devenue au fil du temps. Somme toute, découvrir quelqu'un à l'aveugle avait quelque chose de bien, un goût plus savoureux quand on y repensait. Daniel ne s'étendit pas plus sur ces considérations et décida de répondre immédiatement à Edouard.

« J'ai besoin de toi. Ce n'est pas réellement une aide matérielle, mais plutôt spirituelle. Je veux dire, un soutien, une sorte de promesse d'essayer de faire quelque chose si, dans un avenir relativement proche, je viendrais à te contacter. J'espère que je me fais comprendre... » marmonna-t-il à mi-mot.

Daniel ferma les yeux, repensant un instant à ses projets. Sa première étape consistait à prendre ses dispositions pour qu'on n'ait pas - ou peu-, besoin de lui durant son absence. La seconde concernant la mise en place de moyens en Angleterre pour assurer sa protection, en cas de soucis ; ce qu'il était en train de faire avec Edouard à cet instant même en réalité. Quant à la suite, cela n'était que le voyage en lui-même. La traque incessante. Sa première escale sera la France, comme la première fois. Il ira voir sa soeur, dire bonjour à sa nièce et passer un peu de temps avec cette gentille famille avant de chercher après l'Oncle Alfred. Enfin, tout ceci n'était que les fondations d'un plan quasi-parfaitement élaboré dans son esprit. Pour lui, tout devait bien se passer puisque tout avait été prévu bien à l'avance. En rouvrant les yeux, les lieux n'avaient pas changé, la mine mi-interrogative d'Edouard non plus. Daniel s'empressa de rectifier le tir.

« Je pars... ou plutôt repars à la recherche de ma jumelle. C'est... une "quête" qui me tient assez à coeur. » souffla-t-il, plein d'amertume.

» Edouard Billie Dream
» Inventaire d'Edouard B. Dream
» Pas si facile que ça ! [ft. Edouard B. Dream]
» Qui saura m'aider? [Fe Edouard B. Dream]
» Falk ~ Hibou d'Edouard B. Dream