La curiosité est un vilain défaut [ Fe Madison ]

Le chemin de traverse était sans doute le meilleur endroit pour se dégourdir les pattes tout en côtoyant des sorciers. L’ambiance était en général bonne & les altercations se faisaient absentes. Enfin, cela était mon simple avis. J’aimais sillonner les rues sans fin, sans savoir où aller, sans avoir que faire de ma soirée. Oui, la nuit tombait, dans le monde des sorciers. J’étais habillée de sombre ; je n’aimais pas me faire remarquer dans la rue. & je pensais que c’était lorsque nous étions habillé vivement que les gens perdus venaient demander leur chemin. Pour ne rien cacher, je ne pense pas que je serais dans la capacité de trouver le chemin pour quelque un d’autre alors que moi-même je ne sais, en général, pas où je suis exactement.

Mes pas étaient silencieux ; il faut dire que je marchais légèrement, ou plutôt… je gambadais. Je m’ennuyais ; je me mis même à siffler une petite chanson au rythme de ma marche. Ce n’est pas dans mon habitude de sortir en pleine nuit dans le Chemin de Traverse . D’ailleurs ça ne me plaisait pas du tout. Mais je n’avais vraiment rien d’autre à faire de ma soirée. Alors autant la passer à marcher, on dit que c’est bon pour la santé de marcher au grand air. Je ne voyais personne que je connaissais. Quel dommage… J’aurais bien voulu discuter un peu avec un ami, ou même une connaissance, pourquoi pas ? Mais personne ; juste des inconnus.

Soudain, je vis un visage familier à mes yeux. Je m’arrêtai directement. Ebahie, je me frottais les yeux. Oui oui, c’était bien lui que j’avais vu. Lui aussi s’était arrêté. Je pense qu’il m’avait reconnue. A vrai dire, dur d’oublier ma face. Je laissai s’échapper un petit rire niais. Mais je déchantai vite : l’assassin rebroussa chemin quelques secondes après. Il voulait jouer ; nous allons jouer. Je le suivis dans ses moindres pas, il tournait à chaque fois qu’une nouvelle rue se présentait. Il ne semblait pas s’essoufler, il accélérait le pas. Sauf que moi, je ralentis un peu. Mon cœur n’en pouvais plus, j’étais à bout de souffle. Mince ! Je l’avais perdu… Je continuais d’avancer, mais j’hésitais à pénétrer dans cette ruelle, qui me semblait très peu rassurante. Mais il le fallait bien : je devais vraiment parler à cet homme. Alors lentement, je m’avançais. Je ne voyais personne. Ce lieu ne m’inspirait vraiment pas, je n’aimais pas les lieux confinés comme tel. Ma conscience me disait de rebrousser chemin, de rentrer chez moi & de prendre une bonne douche. Mon instinct, quant à lui, me conseillait de continuer d’avancer & de retrouver cet homme.

Comme je disais, il n’y avait pas un chat dans cette ruelle. Mais pour être sûre, je voulais juste aller jusqu’au bout, puis retourner sur la rue principale. Alors je continuais, bêtement… Oui, bêtement. Jusqu’à ce que quelque chose m’attrape le bras. Je fus tirée sur le côté, je manquai de tomber tellement je ne m’y attendais pas. Mon premier réflexe ? Crier. D’abord de surprise. Ensuite de douleur. Puis de peur. Sans même avoir vu le visage de la personne qui m’avait tirée vers elle, je savais qu’il s’agissait de cet homme que je suivais ; dont je ne savais même pas le nom. Après ça je ne ressentais vraiment plus l’envie de le savoir, son maudit nom. Mes cris étaient étouffés par sa main, qu’il avait tout de suite plaqué contre ma bouche. Je me débattais ; je lui avais même mordu sa main, mais rien n’y faisait, il me lâchait pas. J’avais peur… peur qu’il ne veuille me faire du mal. Après tout, je devais être très gênante, pour lui. Mais malheureusement, je n’y pouvais rien. Je voulais vraiment tout savoir ; & on ne peut rien faire contre mes volontés. A son plus grand désespoir. Je ne pensais tout de même pas qu’une larme allait couler ; ce n’était pas.. une bonne chose. Dans ma tête, je perdais tout. J’étais paniquée, je suffoquais légèrement, emportée par la peur. Dans quel pétrin m’étais-je mise… Je fuyais son regard du mieux que je pouvais.

Après avoir murmuré quelques mots à mon oreille, mon agresseur finit par me relâcher. La première chose que j’avais faite, c’était de le repousser loin de moi. J’y suis parvenue, avec certes beaucoup de mal, mais j’y suis parvenue. Ensuite, je m’essuyai la bouche. Il l’avait touchée de ses mains salies par le crime, c’était hors de question qu’il repose ses mains sur moi ne serait-ce qu’une seule & unique fois. Je me frottai le bras, endolori, puis je finis par vite essuyer les larmes qui s’étaient échappées. Lentement, mon calme reprenait le dessus, mais j’étais loin d’être rassurée. J’étais à à peine un mètre d’un assassin peu scrupuleux, alors forcément je n’allais pas rester zen. Là, je n’avais qu’une envie : c’était de m’en aller. Cependant, je ne devais pas. Ce qui venait d’arriver n’allait arriver qu’une seule fois dans mon existence sûrement, alors autant profiter.

« Excusez-moi mais si l’envie m’en prend de vous suivre, alors tel est mon choix. Vous pourrez me menacer autant que vous voudrez, tant que je ne saurais pas tout ce que je veux savoir, je continuerais. C’est simple, non ? & contrairement aux apparences vous ne me faîtes pas peur. »

Ma seule solution était de jouer la carte mensonge ; peut-être passerais-je pour plus crédible après ça. Mais montrer ma peur serait prouver ma faiblesse, or il en était hors de question. Cependant, je ne trouvais pas le courage ni l’audace de le regarder droit dans les yeux. D’ailleurs, je ne pense pas que je pourrais soutenir son regard. Quand la peur y est… Je ne bougeais pas. Je restais exactement à l’endroit où il m’avait attirée. Je ne savais pas s’il fallait que je prenne la fuite ou s’il fallait que je réponde à ses questions. Sachant que j’en avais aussi, je penchais plutôt pour la seconde option.

Quand j’eus fini mon « discours », si je puis dire, l’homme en face de moi tourna son regard vers un animal que je n’avais même pas remarqué au début. Je fis un bond en arrière, ce qui me colla contre le mur. Je ne pouvais pas reconnaître quel animal il s‘agissait avec cette pénombre. C’Est-ce qui m’effraya, d’ailleurs. Je ne voulais vraiment pas que cette chose inconnue à mes yeux s’approche de moi. Malheureusement, c’Est-ce qu’elle fit. Je m’arrêtai de respirer, je fermai les yeux & je ne fis plus aucun geste.

« Que cette chose ne s’approche pas de moi ! »

Mais c’était trop tard ; je l’entendais me renifler. J’espérais qu’elle n’allait pas me sauter dessus. Mais « l’analyse » se déroula en toute sûreté ; je sentis même un léger poids contre ma jambe : j’ouvris alors les yeux & baissa mon regard. Je vis alors un félin contre ma jambe. Je laissai s’échapper un soupir de soulagement.

« Vous ne pouvez pas affirmer avec exactitude que je suis entrain de mentir, monsieur. Mais j’espère bien, que vous n’ayez pas l’envie de me tuer. Vous auriez un énième meurtre sur les bras. Ce serait fort dommage, non ? A moi de vous rassurer : je suis loin d’être trop curieuse. C’est de votre faute, d’abord ! Peut-être que si vous m’auriez éliminée le jour où je vous ai vu tuer ce pauvre malheureux, rien de tout ça serait entrain de se produire. Vous ne pouvez vous en vouloir qu’à vous-même. »

J’essayais de rester polie & digne tout en cachant ma colère au fond de moi. Je devrais sauter sur ce vilain bonhomme & lui faire passer le pire quart d’heure de sa vie. Je doute fort de ma réussite, mais j’en avais vraiment envie. C’est alors que sans raison, ma main s’emporta toute seule & vint atterrir sur la joue de l’assassin. Oh mon dieu ; je venais de le gifler ! M’enfin, tant pis pour lui, il l’avait bien cherché.

HJ. Désolée du retard ; & désolée, c'est nul.

La situation prit une tournure tout de suite plus sérieuse ; mon acte avait sûrement énervé mon interlocuteur, qui commençait à me menacer. Le félin quant à lui semblait agacé, si bien qu’il était près à me bondir dessus. Je reculais du mieux que je pouvais. Bien évidemment, les menaces qu’il me prodiguait ne m’effrayaient pas ; je n’y répondais rien. Je me contentais le baisser les yeux, confuse. Je doutais fortement qu’il puisse vouloir me tuer pour une simple gifle, mais bon, tout de même... M’enfin bon, après tout, tout le monde s’est déjà prit une gifle dans sa vie, non ? C’est courant. Mais après ça je pouvais dire adieu à toutes les questions que j’avais en tête. Je pouvais lui dire adieu. Plus jamais je n’aurais l’occasion de le voir pour lui poser ces fameuses interrogations qui me tuent tant l’esprit. Je le voyais déjà se retourner & continuer la ruelle dans laquelle nous étions. L’animal le suivait de près. Cependant, elle détourna la tête une dernière fois & grogna. Je restais là, collée contre ce mur. Je devais faire quelque chose. & vite. C’est alors que je commençai à réfléchir le plus vite possible. En à peine dix secondes, je décidai d’aller m’excuser. Même si au fond je savais qu’il n’allait pas les accepter. Mais je n’avais jamais pensé une seule seconde de ma vie que moi, Madison Sullivan, adolescente innocente jusqu’au sang, allait devoir présenter d’humbles excuses à un assassin aveuglé par le crime en lui-même. J’haussais les épaules. Puis je vins à courir à sa rencontre.

« Attendez… Je.. Je suis désolée. Je vous présente mes plus sincères excuses pour mon geste. Je ne sais pas si vous allez les accepter ou non, mais je ne peux pas repartir la conscience lourde. C’est une pure histoire de principe… »

Je craignais que l’animal ressemblant à un chat ne veuille me sauter dessus, mais je m’y étais préparée. Arrivée juste derrière lui, avec tout de même un peu de distance de "sécurité", je continuais.

« Laissez-moi m’excuser… Je regrette vraiment ce que je vous ai fait. »

La réaction que l’assassin venait d’avoir ne m’avait pas tellement étonnée. J’étais bien persuadée qu’il allait me dire ça. Peut-être qu’il avait raison, après tout ? Les excuses sont bonnes à présenter à quelque un de blanc de conscience ; or lui sa sienne était sans doute lourde, après tout les meurtres qu’il avait pu commettre. Mais jamais je n’allais retirer les miennes, malgré tout je les lui devais. J’avais honte d’avoir abusé de la violence sans aucune raison, on ne m’a pas éduquée comme ça. L’homme face à moi semblait s’être calmée ; moi aussi.

« Pourquoi ne devrais-je pas m’excuser ? Ce n’est pas parce que vous êtes un assassin que je ne vous dois pas le respect & la paix pendant une conversation. Surtout que vous ne m’aviez presque rien fait. Donc j’y tiens vraiment. »

J’osai enfin le fixer droit dans les yeux, oubliant le félin qui me guettait tout en étant détendu. Je ne ressentais rien de mauvais quant à le regarder dans le blanc des yeux ; je ne lâchais pas. Certes ce n’était pas très agréable, mais je devais prouver que désormais il ne me faisait plus peur. Il enchaîna sur une question.

« Pour répondre à votre question : je ne sais pas pourquoi je suis tant impressionnée par ce que vous faîtes ; alors que justement cela devrais me répugner. Tuer des pauvres gens est sans aucun doute un vil acte de barbarie, cependant je n’en reste ni plus ni moins fascinée face à vous. Tant de questions se bousculent dans ma tête… »

Bien évidemment, je ne les citais pas. J’avais l’impression de parler à quelque un de normal… Alors que c’était loin d’être le cas ! Peut-être étais-je anormale, moi, pour pouvoir m’intéresser à un assassin. Mais, comme je répète si bien, je n’y peux rien. Il me fascinait, il me fascine ; il me fascinera toujours. C’est comme ça.

Décidemment, l’homme à qui je parlais ne comprenait sans doute rien à ce que je racontais. Lorsque je le vis s’adresser à son animal, qui ne bougeait pas auparavant, je ne pouvais que nier. M’étais-je mal exprimée ? Peut-être que oui, peut-être que non. Quoi qu’il en était, il fallait vraiment que je lui explique l’immense malentendu qui venait de se produire. C’était bien la première fois que cela m’arrivait : ne pas arriver à faire comprendre quelque chose à quelqu'un à l’aide de la parole. Je secouais la tête de gauche à droite ; je tentais de me reprendre, quitte à lui couper la parole. Après avoir placé mes mains sur ma taille, je fermais les yeux & criai :

« Nan mais chut ! »

Pourquoi avais-je dis cela ? Tout simplement pour avoir un peu de calme pour réfléchir à une autre faon de dire ce que je voulais dire un peu avant, mais en le faisant bien comprendre. Parce que là, vu comment il l’a compris, je devais bien être à côté de la plaque. Même très loin de la plaque.

« Vous n’avez rien compris à ce que je vous ai dit, apparemment. Je reformule. Vous ne me répugnez pas ; bien au contraire. Sinon, que ferais-je là ? Je serais déjà partie en marmonnant nombre de jurons à travers mes lèvres, vous ne pensez pas ? »

Je parlais fort, limite je criais. Quitte à ce que les passants m’entendent m’expliquer, je n’en avais strictement rien à faire. Après avoir marqué une petite pause, je reprenais mon explication de plus belle, faisant un pas en direction de l’assassin.

« Ce que je voulais dire, c’est que je pense que n’importe quel autre être humain aurait été répugné par ce que vous faîte. Enfin, je parle bien évidemment d’un être humain ayant été éduqué dans l’enfance & qui aurait une très mauvaise vision des malfrats. Cela aurait du être mon cas, pourtant ça ne l’est pas. Pourquoi ? Je n’en sais rien ! »

J’avais bien insisté sur le « je n’en sais rien ». Espérons que cette fois-ci, il ait bien compris mes mots, afin que je ne doive pas expliquer une seconde fois ; cela allait bien vite m’énerver.